Un dispositif scénique bi-frontal au plus près des spectateurs avec 4 comédiens assis aux premiers rangs avant d’entrer en action.
En introduction, une jeune lycéenne en visite au mémorial de la Shoah cherche sur le mur des disparus les noms de membres de sa famille perdus dans les homonymies. Une voix off se fait alors entendre égrenant les lois anti-juives du gouvernement de Vichy...
Sur les milliers de lettres archivées, seules 6 vont être présentées ; 6 requêtes ; 6 lettres sous forme de suppliques adressées au maréchal Pétain ou au Commissariat général aux questions juives. De ces hommes, de ces femmes, de ces familles, on ne sait parfois rien d’autre que les noms et le motif de leurs lettres. La pièce explore les contours et les raisons pour lesquelles elles ont été écrites. Il y a les commerçants spoliés, la recherche d’un proche emmené vers une destination inconnue, un ancien combattant 11 fois décoré qui s’insurge du sort qui lui est fait, des juifs réfugiés, ceux raflés au Vel’ d’hiv’…
Avec infiniment de précaution, le voile se lève au sens propre comme au sens figuré : les éléments de décor sont dégagés d’un voile en plastique noir au fur et à mesure de la représentation mais restent de part et d’autre du plateau qui n’accueille guère plus qu’une table et des chaises pour rester vide le plus souvent. Les lettres sont manipulées délicatement, avec un profond respect. Les costumes, les accessoires, les lettres sont sortis de leurs housses en plastique avec délicatesse comme s’il s’agissait d’originaux fragiles. Seul le portrait du maréchal Pétain sera à la fois ridiculisé et piétiné.
Les 4 comédiens exceptionnels font revivre les auteurs des suppliques, s’interrogent et nous proposent une fiction sur ce qui s’est peut-être passé pour ces personnes: Marie Bunel, Pascal Cesari, Salomé Ayache ou encore Vincent Winterhalter ne quittent jamais l’espace scénique même pour changer de costume et restent sur les côtés quand ce n’est pas leur tour de jouer.
Une plongée dans les années d’occupation, une évocation émouvante pour mettre en lumière tout à la fois la détresse des juifs confrontés à des lois réduisant sans cesse leurs libertés et sources de revenu mais aussi leur détermination à vivre, à s’en sortir jusqu’à solliciter de l’aide auprès des autorités auxquelles ils s’adressent en des termes polis et déférents. Au-delà de la peur et de l’effroi.
Seuls le silence ou le refus leur seront adressés avant de disparaître.
La pièce a commencé à être jouée à l'automne 2023, peu de temps après le massacre du 7 octobre en Israël. Nous l'avons vu quelques jours après l'agression du rabbin d'Orléans. Un spectacle plus que jamais utile.