Adapté du journal d’un instituteur kabyle, Mouloud Feraoun, ce spectacle retranscrit les évènements vécus de 1955 à 1962, date à laquelle cet auteur sera assassiné par l’OAS, juste avant la proclamation de l’indépendance.
Sur scène, trois comédiens dont un musicien (percussion, accordéon, guitare…) et trois cageots pour seul décor.
Le sujet se présente âpre, sensible, douloureux et promet émotions sur ces terribles années de guerre.
Le directeur du théâtre nous précise même que cette pièce ne peut pas se jouer en Algérie tant elle condamne la violence de FLN notamment.
Je suis donc toute ouïe, concentrée et attentive aux propos qui vont se tenir.
Hélas !
Des mots, des phrases entières en arabe sont prononcés, déclenchant des rires dans le public mais dont le sens m’échappe totalement. Les comédiens algériens s’expriment avec un accent et je perds des mots et donc le sens de la phrase, de la situation. Je commence à décrocher et regrette qu’un sujet aussi poignant puisse m’échapper.
La pièce saluée au nom de la liberté d’expression se termine sans que je sois arrivée à recoller au texte mais la seule certitude est que le sujet n’est pas épuisé car si le journal et donc la pièce s’arrêtent en 1962, et pour cause, les comédiens quittent la scène en discutant sur ce qu’ils pourraient dire des années 1980, 1990,2001...comme quoi le sujet n’est pas refermé.
Je partage pleinement la frustration de Sophie. Cela donne d'autant plus envie de lire ce journal et de mieux connaître cet écrivain kabyle, ami d'Albert Camus et déchiré entre son soutien à l'indépendance, qu'il jugeait légitime, et l'héritage reçu du colonisateur, dont il a fait sienne la langue. Comme Camus, il a longtemps cru à une cohabitation plus égalitaire entre Européens et autochtones, loin de toute la violence qu'il exécrait. L'engrenage fatal et la radicalisation des forces en présence, qu'il n'a cessés de dénoncer, l'ont plongé dans le désespoir le plus profond.